Publié le 10/03/2021 par Anne-Marie Duguet et Patrick Calvas, Chargés de mission à l'ERE Occitanie.

En novembre 2020  était annoncée la prochaine disponibilité d’un vaccin anti-SARS-CoV-2 efficace à plus de 90%. Porteuse de l’espoir d’une issue à la pandémie de COVID 19, cette annonce n’a pourtant recueilli que peu d’avis très favorables à la vaccination.

Une analyse des intentions de vaccination a été menée par la fondation Jean-Jaurès (1) dont les données chiffrées s’appuyaient sur un sondage IPSOS (2) :  46% des personnes interrogées se déclaraient contre la vaccination. La situation était assez spécifique à la France. A titre de comparaison, nos voisins européens comme l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne et le Royaume-Unis recueillaient de 64% à 79% d’intentions de vaccination, à l’instar des USA mais encore bien en-deçà de l’Inde (85%) ou de la Chine (87%).

 

Pourquoi cette « hésitation vaccinale » ?

L’hésitation vaccinale n’est pas un phénomène nouveau, en particulier en France. Ce terme défini par l’Organisation Mondiale de la Santé regroupe des motivations variées.  Selon une analyse psychosociologique produite par Jocelyn Raude en 2016, les critères de décision sont intuitifs et relèvent d’un déterminisme complexe (5).

Une analyse plus fine des motifs de rejets dans la population française démontrait une nette influence de l’âge. C’est chez les sujets plus âgés que l’adhésion était la plus forte ; sans doute due à un facteur de mortalité plus marqué, comme l’ont martelé quotidiennement les bilans.

Parmi les causes de réticence généralement évoquées figurent le manque de confiance dans l’efficacité du vaccin (plus de 60% de mauvaises opinions) et la crainte d’effets secondaires (près de 50%) loin devant l’absence de perception d’un risque naturel de maladie grave, le faible risque de contamination ou un recours aux gestes barrières considéré comme suffisant.

Les raisons évoquées ont donc un lien avec l’éducation ou l’information des personnes interrogées. Il est vrai qu’au moment de l’enquête, les résultats des essais demeuraient imprécis et le manque de transparence ne permettait pas d’avoir une idée concrète de l’efficacité et de l’innocuité de médicaments très novateurs comme les vaccins à ARN inutilisés en pratique clinique à grande échelle chez l’homme. Depuis, les laboratoires ont publié les données des essais cliniques avec un nombre de sujet inclus qui ont largement dépassé les standards de validation d’un vaccin ordinaire.

En décembre 2020, des politiques vaccinales débutaient en Grande-Bretagne et en Allemagne à la suite des autorisations européennes et nationales pour les deux vaccins à ARN. Fin décembre 2020, près de deux millions de personnes avaient déjà été vaccinées dans ces deux pays proches. Or, la défiance pour le vaccin atteignait en France son niveau maximal : 60% de refus de vaccination (3). Trois semaines plus tard, alors que 380 000 personnes en France avaient été vaccinées, on ne dénombrait plus que 47 % de réfractaires (4). Des attitudes fluctuantes qu’aucune donnée nouvelle survenue dans l’intervalle dans l’intervalle ne permet de rationnaliser si l’on excepte la multiplication d’essais cliniques de quelques 70 nouveaux vaccins parmi environ 180 candidats vaccins issus de la recherche biotechnologique.

Alors de quoi dépend la réticence particulière de la population française ?

Il existe un probable facteur culturel mais l’opposition nord / sud ou anglo-saxon / latin n’est pas évidente comme en témoigne l’adhésion de l’Espagne ou de l’Italie (1). Le militantisme anti-vaccinal est pointé par la plupart des études qui soulignent l’influence négative de la « théorie du complot » ou du naturalisme. Ces phénomènes ne sont certes pas négligeables mais ne suffisent pas à expliquer les différences constatées à moins qu’ils ne touchent plus la population française que le reste de l’Europe.

Sur le plan éthique, la situation n’apporte pas plus de lumière. La vaccination apparaît en effet comme un modèle universel d’intérêt partagé puisqu’elle propose à chaque individu le moyen de se protéger comme de protéger les personnes qu’il côtoie.

 

Une courbe de confiance en hausse

L’adhésion à la vaccination augmente. Est-elle liée à une peur croissante du virus et à l’émergence de formes variantes à éradiquer au plus vite pour qu’elles ne génèrent pas de résistance aux vaccins actuels ? Est-ce la lassitude des contraintes d’éloignement social et les risques économiques induits par la pandémie ?

Scientifiquement, on ne peut pas encore répondre à l’existence possible d’effets très rares et à long terme après une vaccination à grande échelle. Mais comment penser que ceci soit plus convaincant en au début 2021 qu’en décembre 2020 ? Les essais cliniques ont respecté le principe de non malfaisance au-delà des règles établies comme l’ont fait les pouvoirs publics. Bref, rien ne vient attester une diminution réelle de risque mais la proportion des personnes qui ne croient pas à l’efficacité du vaccin diminue, comme si l’exemple du voisin vacciné s’avérait plus convaincant que les études scientifiques…

 

Quelles perspectives ?

Parmi les réticents, il existe des opposants inconditionnels aux vaccins. Les convictions de cette population sont telles qu’aucun changement de position n’est possible ; l’argumentation scientifique ou éthique ne fait que les renforcer.

On constate qu’une grande partie de la population reste indécise, probablement en raison d’une perte de confiance dans les scientifiques et dans les choix stratégiques des autorités politiques. Ces choix sont fondés sur une analyse épidémiologique menée par la Haute Autorité de Santé. Il s’agit de prioriser la vaccination des plus vulnérables en considérant que cette action épargnera le plus de vies. Dans la pratique on constate plutôt une saturation des plateformes de prise de rendez-vous vaccinaux et de débat sur le risque de pénurie de vaccins que de désaffection. Cependant, l’adhésion demeure fragile et la moindre rumeur issue de résultats douteux ou de propos mal interprétés s’amplifie au travers des réseaux sociaux et entretien l’indécision. A ces interférences s’associent de véritables questions scientifiques telles l’émergence de variants qui viennent questionner de nouveau l’efficacité vaccinale.

Nous conclurons donc avec Jocelyn Raude que « l’hésitation vaccinale est un phénomène complexe et spécifique au contexte dans lequel elle s’inscrit : elle varie en fonction du temps, du lieu et des vaccins (…)  S’agissant des mécanismes psychologiques qui seraient impliqués dans la décision vaccinale, la littérature scientifique indique de manière relativement convergente que l’acceptation (ou le refus) de la vaccination résulte le plus souvent d’un arbitrage intuitif entre les risques et les bénéfices perçus par les individus concernés ».

 

 

Références bibliographiques :