Publié le 23/10/2017 par Anne-Marie Guguet

Les progrès de la médecine sont le résultat de recherches fondamentales et d’études conduites sur l’homme et les nouveaux médicaments ne peuvent être commercialisés qu’après des essais cliniques particulièrement encadrés .

Principes éthiques : un peu d’histoire…

Dans le passé, la conduite de recherches ou expérimentations sur l’homme a suscité des questionnements éthiques et des recommandations dans le code de Nuremberg puis dans la déclaration d’Helsinki. Le code de Nuremberg édicté après le procès des nazis qui avaient pratiqué des expérimentations sur les êtres humains dans des conditions inhumaines est le texte fondateur de l’éthique de la recherche. Il recommande un consentement éclairé obtenu sans contrainte, le droit de se retirer de l’étude, la pratique des recherches par des personnes qualifiées et des expériences préalables sur des animaux. En 1964, la déclaration d’Helsinki a été adoptée par l’Association Médicale Mondiale regroupant des représentants des société savantes médicales. Les principes reconnus sont la primauté de l’intérêt de l’individu sur celui de la société, le consentement libre et éclairé recueilli par écrit, le droit de se retirer à tout moment, la balance entre les risques et les bénéfices. La conception et le déroulement de la recherche sont décrites dans un protocole, examiné par un comité d’éthique indépendant. Diverses versions successives de la déclaration d’Helsinki ont été adoptées en fonction de l’évolution des pratiques.

La loi sur les recherches biomédicales

Pendant longtemps les essais de nouveaux médicaments n’étaient possibles en France que sur des sujets malades pour tester un médicament expérimental susceptible de traiter leur maladie. Depuis 1988 la Loi Huriet-Serusclat et ses modifications successives ont encadré non seulement les essais de médicaments mais aussi les recherches biomédicales c’est-à-dire « les essais ou expérimentations organisés et pratiqués sur l’être humain en vue du développement des connaissances biologique ou médicales ».

Tous les principes de la déclaration d’Helsinki ont été introduits dans cette loi, mais au-delà, le législateur Français a voulu protéger les droits des personnes qui se prêtent à la recherche et en particulier leur vie privée et la confidentialité des données collectées. Une assurance spécifique est obligatoire pour indemniser en cas d’accident lié à la recherche et le protocole est conduit par un investigateur médecin.

Les dispositions de la loi sont impératives et assorties de sanctions pénales en cas de non respect, c’est une exception Française. Des Comités de protection des Personnes : CPP ont été créés pour donner un avis de conformité du protocole aux principes légaux et éthiques avant le début du protocole. En plus de l’avis favorable du CPP le promoteur de la recherche doit obtenir une autorisation de l’Agence Nationale de Sécurité des Médicaments ANSM qui porte sur la sécurité. La législation française s’est adaptée au cadre Européen pour la déclaration des événements indésirables graves liés à la recherche et un registre des essais cliniques a été mis en place pour une meilleure transparence.

Les apports de la Loi Jardé.

La loi Jardé 2012-300 du 12 mars 2012 dont le dernier décret d’application a été publié en novembre 2016 s’applique à tous le champ des recherches impliquant la personne humaine notamment les recherches non interventionnelles (exclues auparavant). Elle définit 3 catégories de recherches : 1) les recherches interventionnelles qui comportent une intervention sur la personne non justifiée par son traitement habituel. Elles comprennent les essais de médicaments conformément au règlement Européen du 16 Avril 2014 sur les essais cliniques, et les recherches hors médicaments sur les autres produits de santé et hors produit de santé ; 2) les recherches interventionnelles , hors médicament, qui ne comportent que les risques et des contraintes minimes (liste fixée par arrêté) ;3) les recherches non interventionnelles qui ne comportent aucun risque ni contrainte et dans lesquels tous les actes et produits sont utilisés de manière habituelle (anciennement recherche en soins courants).

Chaque catégorie de recherche est organisée selon une procédure spécifique. Pour les recherches interventionnelles la procédure antérieure n’est pas modifiée : avis du CPP et soumission d’un dossier pour l’autorisation de l’ANSM. Les recherches avec risque minime suivent la même procédure, mais le promoteur doit prendre une assurance. Les recherches non interventionnelles sont soumises au CPP et le promoteur notifie à l’ANSM par un résumé et l’avis du CPP.

Les règles de consentement ont été modifiées en fonction du risque : l’information individuelle s’applique pour toutes les recherches, en revanche le consentement libre éclairé et exprès est recueilli par écrit pour les recherches interventionnelles, il peut être oral ou écrit pour les recherches avec risque minime enfin il est présumé pour les recherches non interventionnelles si le sujet n’a pas manifesté d’opposition. En situation d’urgence quand le consentement du sujet n’est pas possible, le consentement de la famille est sollicité ou celui de la personne de confiance.La loi Jardé vient d’introduire une dérogation possible en cas d’urgence vitale immédiate qui est appréciée par le CPP.

Si le sujet se retire au cours de la recherche, les données collectées avant le retrait pourront être utilisées. De plus le sujet qui a accepté une utilisation secondaire des données, peut se rétracter à tout moment.

Les CPP sont devenus compétents pour évaluer la méthodologie en fonction de la protection des données individuelles avant la déclaration à la CNIL qui reste obligatoire pour tous les types de recherche.

Une Commission Nationale de Coordination des CPP a été créé, placée auprès du Ministère de la santé pour la coordination et l’harmonisation des pratiques des CPP ainsi que l’élaboration de recommandations pour le Ministre.

Pour les recherches génétiques , la loi a introduit une dérogation au consentement exprès recueilli par écrit (art 16-1 du code civil) en cas de changement de finalité c’est-à-dire que pour l’analyse des caractéristiques génétiques des échantillons collectés pour les soins et utilisés pour la recherche, seule la non opposition du sujet est requise.

Anne-Marie Duguet
Maitre de Conférences Émérite
Université Paul Sabatier